Voir la lettre au format PDF : 2001-30-Letra FELCO-CREOs-Congrès – Carole Delga
Le 30 janvier 2020
à madame Carole DELGA
présidente de la Région Occitanie-Pyrénées-Méditerranée
Objet : vœux et demande de nouvelles interventions pour sauver l’enseignement de l’occitan
Madame la Présidente / dòna presidenta
Per començar, vos desiram une bona annada urosa e granada per vos, los vòstres e las vòstras responsabilitats al cap de la Region que pòrta lo nom de la lenga occitana.
Nous voudrions en préalable saluer les actions que mène la Région que vous présidez en faveur de notre langue et de la culture qui lui est étroitement liée : le soutien à la création grâce à la mise en place du conventionnement tremplin, l’aide à la diffusion du spectacle vivant via Total Festum, les efforts apportés au fonctionnement du CIRDOC, cet outil de valorisation et de communication de notre patrimoine vivant, les PEC-CO (projets éducatif culturels en catalan et occitan) qui mettent en lien nos artistes et nos élèves, les moyens donnés à l’unité catalan-occitan, la contribution au financement de l’Ofici public per la Lenga occitana (OPLO), qui permet d’aider des associations – cercles de l’Institut d’Etudes Occitanes, ALCOC, Adoc 12, ADOC 48, MARPOC 30… – et bien d’autres dont beaucoup interviennent dans les écoles pour la sensibilisation et l’initiation à la langue et à la culture occitanes. Tout ceci est précieux pour faire vivre notre culture et donner du sens à l’enseignement dont le développement est indispensable à la transmission de notre langue.
Le 4 mars 2019, alertée par nos associations sur les très graves menaces que la réforme des lycées et du baccalauréat en cours faisait peser sur nos enseignements, vous nous avez accordé une audience. À cette occasion nous avons apprécié votre détermination et les décisions que vous nous avez annoncées (interventions auprès des rectorats, du ministère de l’éducation et de la présidence, action en liaison avec les autres régions et les députés et sénateurs proches de la majorité régionale) mais nous ne savons pas quelles démarches ont pu être menées depuis et quelles réponses ont, le cas échéant, été obtenues.
Quoi qu’il en soit, malgré des mobilisations diverses et de nombreux soutiens, la rentrée scolaire a confirmé la catastrophe prévue. Dans la Région Occitanie – comme ailleurs en Pays d’oc – l’offre d’enseignement d’occitan a fortement régressé. 12 lycées ont fermé leurs cours et les effectifs ont chuté de 23%. L’année prochaine ce sera bien pire : nous prévoyons entre 50 et 75% d’élèves de moins en terminale.
Si rien n’est fait pour revaloriser l’enseignement de l’occitan, c’est, à court terme, sa disparition assurée, en lycée tout d’abord, puis à l’université et dans les INSPEs, où se forment les futurs enseignants
L’année 2019 qui avait été proclamée par l’ONU année internationale des langues autochtones, régionales pour la France s’est close sur une catastrophe programmée pour notre langue.
Le gouvernement, qui ne peut pourtant plus continuer de nier la réalité, n’a fait jusqu’à présent aucun commentaire sur la rentrée ; il n’a annoncé aucune correction à sa réforme, comme s’il était indifférent à la situation et s’il assumait les conséquences de son caractère mortifère.
De nouvelles interventions de la Région sont donc pour nous indispensables pour que tous les niveaux de responsabilité concernés – rectorats, Ministère, premier ministre et le Président lui-même – comprennent que la situation est inacceptable et procèdent aux corrections nécessaires.
Vous le savez, Madame la Présidente, les arguments ne manquent pas. Le sort fait à notre langue est contraire à la Constitution, à la loi, au code de l’éducation, aux conventions, aux engagements internationaux de la France et à ceux de ses plus hautes autorités y compris le Président de la République.
De plus, les disparités de traitement, pour ne pas dire les discriminations et le mépris dont notre langue est victime, persistent par rapport à d’autres langues de France. Est-il acceptable, par exemple, que l’OPLO soit soutenu dix fois moins par l’Etat que l’Office de la langue basque ? Ne pouvons-nous pas, ensemble, demander une réduction des inégalités entre langues de France ?
En ce qui concerne l’académie de Toulouse, son recteur a reçu les associations et organisé récemment un Conseil académique. Il s’affirme prêt à signer enfin la convention académique, et paraît désireux de renouer avec une politique plus favorable que celle de son prédécesseur, qui avait provoqué une crise sans précédent.
En revanche, au niveau de l’académie de Montpellier tout semble désormais bloqué, malgré un premier conseil académique en 2018 qui nous avait laissé espérer un peu d’ouverture après les obstructions délibérées de la précédente rectrice. Les courriers des élus, les interventions syndicales et les demandes d’audience de nos associations restent sans réponse. Le Conseil académique n’a pas été réuni depuis avril 2019. Il n’y a aucune volonté manifeste de développement, pas même de maintien de l’enseignement existant. La convention-cadre n’est pas respectée, la convention académique n’est toujours pas à l’ordre du jour, les suivis de scolarité ne sont pas assurés, les enseignants et les parents d’élèves sont exaspérés, découragés. Bref la liquidation, déjà bien avancée, continue.
Une fois encore, Madame la Présidente, nous avons l’espoir qu’une intervention de votre part manifeste aux autorités rectorales de Montpellier l’importance que vous attribuez à l’enseignement de l’occitan dans le service public et au respect des textes, notamment l’article 312-10 du code de l’éducation.
C’est aussi bien sûr auprès du Ministère de l’éducation que nous vous demandons d’intervenir avec une vigueur redoublée mais aussi, compte tenu de son silence têtu, auprès du Premier Ministre et du Président de la République.
Des solutions simples existent en ce qui concerne l’enseignement en lycée, notamment l’alignement pour l’option facultative et l’enseignement de spécialité – EDS – sur les langues de l’Antiquité (voir nos courriers et le dossier remis en mars que nous joignons à cette lettre) ainsi que la possibilité de choisir l’occitan comme LVB (2ème langue vivante) dans tous les établissements qui proposent l’enseignement de l’occitan.
Nous sommes bien sûr à votre entière disposition et à celle de vos services pour les accompagner techniquement dans la préparation et le suivi des démarches que vous pourriez décider.
Nous souhaiterions également vous rencontrer à nouveau, car les problèmes que nous vous avons exposés en mars 2019, non seulement persistent, mais se sont aggravés.
Cependant, comprenant les contraintes de votre emploi du temps, nous vous demandons, si vous ne pouvez nous recevoir rapidement, de bien vouloir nous recommander à vos services concernés pour que nous puissions travailler avec eux dès à présent. Car la prochaine rentrée est déjà en cours de préparation et il est urgent d’interpeller les différents niveaux institutionnels susceptibles de faire procéder aux ajustements nécessaires pour éviter un nouveau désastre et obtenir l’atténuation de certaines disparités de traitement.
Nous vous remercions pour votre bienveillante compréhension et dans l’attente de votre réponse nous vous assurons, Madame la Présidente, de toute notre haute considération.
- Pour le CREO, Centre régional des enseignants d’occitan de l’académie de Montpellier : Marie-Jeanne Verny, présidente,
- Pour le CREO, Centre régional des enseignants d’occitan de l’académie de Toulouse : Emmanuel Isopet, président
- Pour la FELCO, Fédération pour l’enseignement de la langue et de la culture d’oc : Yan Lespoux, président
- Pour le Congrès permanent de la langue occitane : Gilbert Mercadier, président.
- Nous joignons à ce courrier les documents relatifs à l’audience de mars 2019
- Courrier de demande
- Dossier préparatoire
- Relevé de conclusions.