NB. MJ Verny : ce compte rendu, rédigé dès le lendemain de la réunion, a fait l’objet de navettes avec le président du CREO Auvergne, Didier Huguet et surtout avec l’administration dont je ne voulais pas travestir les propos, d’où la publication tardive…
Réunion à la DSDEN Aurillac, le 8 septembre 20
Présents
- Madame Lutic, inspectrice d’académie – directrice académique des services de l’éducation nationale (IA-DASEN)
- Madame Carnémolla Maneville, inspectrice de l’éducation nationale en charge du dossier langues vivantes étrangères et régionales
- Monsieur François, conseiller pédagogique départemental pour les langues vivantes étrangères et régionales
- Monsieur Huguet, président CREO Auvergne
- Madame Verny, cosecrétaire FELCO (fédération des enseignants de langue et culture d’oc – enseignement public – académies d’Aix, Bordeaux, Clermont, Grenoble, Montpellier, Nice, Toulouse, région parisienne)
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La réunion débute par un tour de table.
Madame la Directrice remercie les présents qui ont permis que se tienne cette réunion.
Elle précise que la Commission Académique des Langues Régionales (CALR) prévue n’a pas pu se tenir en raison de la situation sanitaire. Puis elle expose la situation globale des postes et des besoins du département.
Elle ajoute qu’au niveau académique l’initiation /enseignement de l’occitan dans les établissements publics est seulement proposé dans le département du Cantal.
Une convention entre le Rectorat et la Région a expiré en fin d’année scolaire. Dans le cadre de cette convention, un appel à projets avait été lancé. Madame la directrice a constitué un groupe de travail afin d’y répondre. Plusieurs projets ont été élaborés mais la convention est arrivée à son terme avant que les projets aient pu être examinés.
« La semaine des langues » qui devait se tenir en mai dernier n’a pu avoir lieu. Des ateliers autour de la langue et la culture occitanes destinés aux élèves avaient été planifiés sur trois sites du département. Par ailleurs, une conférence d’Alem Surre-Garcia : « Influence de la culture arabo-andalouse sur la culture occitane » avait été programmée. Tout comme le Recteur, Madame la Directrice souhaite que ces actions soient proposées au cours de cet automne et demande à Monsieur François de poursuivre la mise en œuvre de cette action.
Elle évoque la « Convention pour un aménagement du territoire scolaire cantalien » entre l’Éducation nationale, l’association des maires de France, la préfecture et le conseil départemental (depuis le deuxième avenant). Le deuxième avenant à cette convention a été signé en janvier 2020 en présence du recteur, du préfet, du président du Conseil départemental et de l’association des maires de France. Elle offre la possibilité pour les territoires d’initier des projets dans le cadre de cette convention.
Madame la Directrice expose les moyens d’enseignement nécessaires dans un département rural et de moyenne montagne où on ne peut imposer aux enfants de trop longs trajets. Elle fait état des besoins multiples du département, évoquant également la nécessité des remplacements.
Il est posé la question de la démarche à entreprendre pour obtenir un enseignant supplémentaire.
Madame Carnémolla Maneville se présente. Précédemment affectée dans le TARN où elle a enseigné dans une classe bilingue occitan français (St-Sulpice) pendant 6 ans en début de carrière, elle connaît bien les modalités de mise en œuvre de l’enseignement bilingue. En tant que conseillère pédagogique généraliste, elle était jusqu’en juin dernier, en charge du dossier des langues vivantes étrangères et régionales dans sa circonscription. Elle accompagnait en particulier les équipes enseignantes dans la mise en œuvre de l’offre de l’enseignement de deux langues vivantes étrangères au sein des écoles et à la mise en place et la coordination des classes bilangues et bilingues en lien avec le second degré.
Après que Monsieur Hervé François a présenté sa fonction de conseiller pédagogique LVER, c’est au tour de Madame Verny de prendre la parole.
Elle revient sur ses origines cantaliennes, filles de paysans occitanophones à laquelle la rencontre, au lycée public, d’un professeur d’occitan, a permis de mettre en évidence la dignité de ce qu’elle pensait être un patois. Elle souligne que son bilinguisme précoce lui a permis, plus tard, de réussir dans les langues et même, globalement, de réussir scolairement.
Elle expose ensuite l’action de la FELCO qui, depuis des décennies, n’a de cesse que de montrer au Ministère l’inégalité « républicaine » quant à la couverture des territoires en offre d’enseignement public des langues régionales. En la matière, l’Académie de Clermont-Ferrand est systématiquement présentée par la FELCO comme sinistrée. Une comparaison rapide avec les départements voisins (Lozère ou Aveyron) met en évidence le gouffre qui les sépare du Cantal en matière d’offre d’enseignement public de l’occitan. Lorsque la situation est présentée au Ministère, celui-ci répond généralement sur l’autonomie des rectorats en matière d’emploi des moyens profs / élèves. Ce à quoi la FELCO répond que des académies qui ont à charge l’enseignement d’une langue régionale ont cette charge EN PLUS de leurs charges communes avec les autres académies. D’où l’importance, selon la FELCO, d’affecter aux académies concernées des moyens supplémentaires fléchés.
Elle revient sur la situation de Laure Bonnet (titulaire d’une licence d’occitan puis du CRPE langues régionale), dont le courrier de demande d’audience avait fait remarquer, une fois de plus, qu’affectée dans le Cantal depuis 10 ans elle n’avait pas eu l’opportunité depuis son affectation, de mettre sa formation spécifique au service de l’enseignement public de l’occitan.
Monsieur Hervé François rappelle la réunion qui s’est tenue en juin 2018 à l’école de Vic sur Cère avec l’équipe éducative et Madame le maire. Celle-ci avait pour objectif de mettre en place un groupe de réflexion afin d’envisager un enseignement renforcé de l’occitan dans l’école. L’équipe éducative n’y étant pas favorable il n’a pas été donné suite à cette proposition.
Madame Verny qui, comme les présents, connaît fort bien les précautions nécessaires pour monter un site bilingue et pérenniser celui-ci dans le respect des équipes éducatives, insiste sur une autre difficulté inhérente au sous-équipement du Cantal en matière d’enseignement public de l’occitan : c’est l’absence de cadres administratifs et pédagogiques dont la mission soit explicitement et uniquement affectée au suivi de l’occitan : pas d’IPR occitan, ni de conseiller pédagogique départemental, comme dans les académies voisines, conseiller qui aurait pu sensibiliser progressivement l’équipe pédagogique, entendre et apaiser les craintes et ainsi désamorcer un éventuel conflit.
Concernant la question des moyens, le seul enseignant certifié actuellement en poste, Hugo Amblard, ne peut couvrir à lui seul l’ensemble des besoins du département en collège et en lycée.
Madame la Directrice redit sa bonne volonté pour répondre aux besoins du département et les moyens nécessaires à celui-ci.
Madame l’IEN remarque que l’absence de CRPE spécifique dans l’académie est un frein, ce à quoi Madame Verny répond que Laure Bonnet est titulaire de ce CRPE et qu’une affectation de cette collègue titulaire d’une licence et d’un concours spécifique aurait pu « amorcer la pompe » et certainement révéler des compétences linguistiques dormantes chez ses collègues qui auraient pu être mises à profit grâce à la formation continue.
Au niveau du premier degré, Didier Huguet, maître itinérant, expose son travail de plusieurs décennies qui sensibilise à l’occitan près de deux mille élèves dans une quarantaine d’écoles, qui pourraient être plus nombreuses s’il avait les moyens matériels de faire face aux demandes exprimées. Les enfants qui ont suivi ses animations pendant plusieurs années ont acquis, au bout de leur cursus primaire, de bonnes connaissances. La cartographie révèle que ses interventions ne couvrent, globalement, que la partie sud-ouest du Cantal. Les secteurs de Massiac et Saint-Flour, par exemple, sont totalement dépourvus d’offre public de sensibilisation à l’occitan. Et faute de visibilité de l’occitan dans ces secteurs, aucune demande ne peut spontanément y émerger.
Plusieurs participants soulignent la nécessité de faire une enquête sur les compétences « dormantes » des collègues, sur la mise en œuvre dans les classes des compétences acquises par les enseignants ayant participé à des stages de formation continue. Travail d’enquête à poursuivre également quant aux écoles susceptibles d’accueillir un enseignement de l’occitan.
Madame la Directrice note que les familles de Calandreta sont très peu demandeuses d’un suivi de l’enseignement de l’occitan au collège.
En conclusion : je me réjouis de la qualité des échanges et de la franchise de ceux-ci, de même que de la bonne volonté évidente de nos interlocuteurs. Je remarque cependant que celle-ci est freinée par un manque criant de moyens spécifiques : si l’occitan est mis en concurrence avec les moyens « normaux » inhérents à chaque académie, qui plus est dans le cas d’un département de montagne comme le Cantal où la fragilité démographique fragilise terriblement les postes, l’occitan ne peut tirer son épingle du jeu.
Au nom de la FELCO, je ne peux que saluer l’engagement de Madame la Directrice et les efforts consentis en faveur du département du Cantal. Mais je dois aussi constater que l’enseignement de l’occitan dans le Cantal, pour l’heure, est en stagnation en termes de moyens dédiés contrairement aux promesses ministérielles de développement. Cette pénurie de moyens dédiés a forcément des conséquences
- En termes d’offre sur l’ensemble du territoire
- En termes de continuité pédagogique de la maternelle au lycée, rendant ainsi difficile l’émergence de cadres futurs formés à l’occitan et susceptibles d’alimenter des viviers au niveau de l’enseignement supérieur et de l’INSPE.