Monsieur le Recteur,
Mesdames et Messieurs les membres du CAEOC,
Nous sommes réunis pour faire le bilan de la rentrée 2022 et évoquer les perspectives de l’enseignement de l’occitan dans notre académie. Ce CAEOC est également pour nous l’occasion de faire le bilan de la convention qui arrive à son terme.
Au-delà de son faible temps d’application, du fait d’une signature tardive, nous regrettons que les objectifs ne soient pas atteints dans la plupart des départements (en terme numéraire mais aussi humain (cpd).)
Nous regrettons également les effets pervers de l’application de cette convention quant à l’enseignement optionnel de l’occitan dans notre académie. À moyens constants, l’enseignement optionnel en collège et lycée a été sacrifié au profit de la montée des cohortes bilingues sans pour autant que cette dernière modalité d’enseignement se développe réellement puisque nous ne comptons à ce jour, et sauf erreur de notre part, que 3 ouvertures sur le temps de la convention et que nombre de sections existantes connaissent de nombreux problèmes de ressources humaines ou de continuité pédagogique menaçant leur pérennité et empêchant leur développement.
Cette convention qui devait être un atout majeur dans le développement de l’occitan dans notre académie, semble avoir surtout eu pour effet de l’affaiblir tant nous comptons de fermetures d’options dans certains établissements et de baisses drastiques du nombre d’heures dans d’autres. Elle semble également mettre en concurrence deux types d’apprentissage pourtant complémentaires.
La perte d’heure dans l’enseignement optionnel s’accompagne d’une dégradation sans précédent des conditions de travail des collègues concernés qui, en plus de devoir se partager entre plusieurs établissements de plus en plus nombreux et éloignés, se retrouvent à négocier avec les chefs d’établissement pour enseigner sur leur sous-service. Cette rentrée révèle, une fois de plus, des inégalités entre les établissements et met les disciplines en situation de concurrence.
Nous le rappelons : pour que l’enseignement de l’occitan soit réellement intéressant, efficace et qu’il fasse sens, il faut une vraie politique de l’offre assumée, volontariste et qui se voie sur le terrain. Il faut également prendre en compte la réalité des conditions de travail de nos collègues enseignants d’’occitan, leur fatigue, leur lassitude, qui les mène pour certains à un tel mal-être moral qu’ils abandonnent leur discipline voire leur métier.
L’ouverture des sections bilingues, la montée des cohortes, le suivi des élèves entre les cycles, une offre en option en collège et en lycée en LVB ou C qui permettent aux élèves de choisir de faire des études en occitan : tout cela doit se travailler en concertation et bien en amont. Or nous constatons les limites des groupes de travail départementaux qui ne jouent pas leur rôle de groupes de réflexion sur la mise en œuvre d’une vraie politique de développement de l’occitan. En ce qui concerne la concertation, nous déplorons vivement l’absence des organisations syndicales dans certains groupes de travail départementaux (comme dans le Tarn, la Haute-Garonne et d’autres) et ce malgré la sollicitation intersyndicale lors du CAEOC de janvier 2021.
Pire encore, à l’occasion du groupe de travail tarnais, la FSU a sollicité vos services afin d’y siéger mais a d’abord essuyé un refus. Comment envisager une concertation sereine dans ces conditions ?
À tout cela, il faut ajouter le manque de professeurs et des répartitions de services parfois ubuesques qui empêchent de proposer un enseignement cohérent dans certains départements. Le manque de matériel pédagogique, l’insuffisance de l’offre de formation continue concourent également à la dégradation des conditions de travail des élèves et des enseignants. Comment assurer des conditions de travail décentes à nos collègues professeurs d’occitan?
Comme les autres disciplines, nous sommes confrontés à la baisse dramatique du nombre candidats aux concours (CAPES , Agrégation et CRPE spécifique). Le vivier de candidats sera rapidement d’autant plus réduit par les effets désastreux des réformes du collège et du lycée : sans lycéens en nombre suffisant, il ne peut y avoir à l’université suffisamment d’étudiants susceptibles de devenir de futurs professeurs. Les dispositifs mis en œuvre, notamment la bourse Ensenhar, ne peuvent pallier à eux seuls aux conséquences de réformes mortifères pour les enseignements facultatifs.
La situation globale de l’occitan s’est donc dégradée dans l’académie tant au niveau qualitatif que quantitatif ces dernières années.
La mise en œuvre d’une politique volontariste en faveur de l’enseignement de l’occitan et au service des élèves, telle qu’elle avait été définie dans la convention qui s’achève impose l’allocation de moyens suffisants. Or, entre l’année scolaire 2018-2019 et la rentrée 2021, nous notons une perte franche en heures, notamment en ce qui concerne l’enseignement optionnel en collège dont les moyens affectés sont passés de 440 heures en 2018 à 252 à la rentrée 2020. Cette situation est la conséquence de la décision unilatérale du rectorat de mettre fin aux heures fléchées pour l’intégralité des heures d’occitan et de sa demande faite aux établissements concernés de prendre des heures sur leur faible marge d’autonomie. Non seulement certains établissements refusent de donner ces heures pour l’occitan, ce qui accentue les inégalités, mais en plus, le rectorat a drastiquement baissé l’enveloppe d’heures fléchées pour l’enseignement de notre langue.
Cette situation nous paraît inadmissible. L’ offre d’enseignement de l’occitan se doit d’être démocratique et nous demandons le retour des heures fléchées en nombre suffisant, ainsi qu’une offre généralisée et systématique de l’initiation pour tous les élèves de 6ème sur les collèges où notre langue vivante régionale est présente dans le bassin d’enseignement. L’article 75-1 de la Constitution rappelle que “les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France” , la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion (dite aussi Loi Molac) insiste sur le fait que « la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but de proposer l’enseignement de la langue régionale à tous les élèves. »
Enfin, nous le disons à chaque CAEOC, dans tous les groupes de travail départementaux, dans toutes les instances paritaires : les conditions de travail des professeurs d’occitan sont très difficiles. Souvent TZR académiques, sur 2, 3, voire 4 établissements, avec des modalités d’affectation opaques et sans règle précise, cumulant les différents niveaux, avec peu de matériel pédagogique. Nos collègues sont parfois victimes du mépris de leur hiérarchie. Malgré leur passion professionnelle et leur engagement au sein de l’Education Nationale, les situations d’épuisement professionnel se multiplient chez les enseignants d’occitan. Il faut de toute urgence améliorer les conditions de travail des enseignants d’occitan. Nous demandons notamment la création de postes fixes qui rendraient une certaine sécurité à des collègues épuisés et découragés par le manque de perspectives, la stabilisation des compléments de service, et un investissement en heures de dotation, qui réduirait le nombre des postes partagés.
Sans ces moyens supplémentaires, nos collègues continueront à désespérer sur le terrain. Les élèves continueront à en subir les conséquences, les effectifs s’amenuiseront encore. Et à terme, comment pourrons-nous former les futurs collègues aptes à enseigner et transmettre l’occitan ?
Vous l’aurez compris M. le Recteur, Mesdames et messieurs les membres du CAEOC, l’exaspération est grande chez les enseignants d’occitan. Alors que les élus régionaux et départementaux affirment un volontarisme plus fort que jamais pour le développement de notre langue, alors que la loi Molac a été votée par une très grande majorité de parlementaires de tous bords, faisant de cette loi un moment historique de consensus démocratique, et alors enfin que l’Unesco classe l’occitan parmi les langues en péril de disparition, entendez la voix de ceux qui se battent au quotidien et ne cesseront pas de se battre. Il est grand temps que des actes forts soient posés, nous attendons que ce CAEOC soit celui où l’Éducation Nationale s’engage enfin à respecter la loi et les conventions.