Mariana Fonseca (Université de Genève) et Stéphanie Vaissière (conseillère pédagogique en occitan) dimanche 22 octobre 17h15,
Plurilinguisme, inclusion et construction des savoirs: quelle place pour l’occitan ?
Résumé
Le projet d’expérimentation d’un enseignement bi-plurilingue que nous évoquerons dans le cadre de cette présentation a été développé dans une école bilingue français-occitan, accueillant de nombreux élèves issus de la migration. Nous montrerons comment sa mise en place – sur une temporalité longue – a permis une plus grande circulation des langues de scolarisation ainsi que la prise en compte de l’ensemble des langues présentes à l’école, au service d’une construction enrichie des savoirs et d’une plus grande inclusion des élèves. Pour cela, nous nous baserons sur diverses données (extraits d’interactions en classe, photos d’affichages de classe, supports pédagogiques, etc.) recueillies tout au long du projet.
Les intervenantes
Stéphanie Vaissière-Korol a enseigné dans des sections bilingues français-occitan de l’Education Nationale, avant de devenir Conseillère Pédagogique pour la langue et la culture occitanes. Elle intervient auprès des étudiants de Master qui se préparent aux fonctions de professeur des écoles bilingue français-occitan, à l’INSPE Toulouse Occitanie-Pyrénées, sur le site de Montauban. Elle est également formatrice au Centre d’Animation Pédagogique pour l’Occitan (CAP’OC), et contribue à l’édition de ressources pédagogiques en langue occitane.
Laurent Gajo (université de Genève) – Dimanche 22 octobre 10h45
Entre héritage monolingue et invitation utilitariste au plurilinguisme : l’éducation en langue régionale comme voie d’issue ?
Résumé
Cette intervention partira d’une tension entre la « normalité » avérée du plurilinguisme et la persistance d’une « norme » largement monolingue. L’héritage de cette norme remonte en tout cas à la création des Etats-nations en Europe et est transmise depuis des générations par/à l’Ecole publique. Depuis une vingtaine d’années, toutefois, l’avènement d’une didactique du plurilinguisme amène un regard nouveau sur l’enseignement/apprentissage des langues et les ressources liées à la diversité linguistique. Cela dit, quand ces ressources reçoivent un peu d’attention, elles finissent souvent par être travaillées par et pour quelques langues seulement, en général les langues supposées les plus « utiles » pour la carrière de l’élève et le développement économique. Alors que cette posture « utilitariste » tend à imposer une vue étroite et peu durable sur les systèmes éducatifs, l’insertion des langues régionales dans ces systèmes peut contribuer à les optimiser.
L’intervenant
Laurent Gajo est professeur ordinaire dans le domaine du français langue étrangère à l’Université de Genève. Linguiste de formation, il s’est spécialisé dans l’analyse de l’interaction en classe bilingue, la didactique du plurilinguisme, la politique linguistique et le plurilinguisme dans la science. Membre de plusieurs commissions de politique éducative, il est aussi président de l’ADEB (Association pour le développement de l’enseignement bi/plurilingue) et du Réseau « FrancophonieS ».
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Gwenolé Larvol (Université de Brest) dimanche 22 octobre 16h45
L’école peut-elle aider des élèves qui n’ont pas ou peu de liens avec les langues « régionales » à se les approprier ?
Résumé de la communication
Suite à la rupture dans la transmission familiale des langues dites régionales et à leur disparition organisée dans la sphère publique, il arrive très fréquemment que les élèves qui sont scolarisés dans ces langues ne les fréquentent qu’à l’école, ou presque. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que nombre d’entre-eux considèrent le breton, l’occitan, le corse, … comme étant seulement la langue de l’école ou la langue de l’enseignant·e, particulièrement si cette socialisation linguistique limitée n’est pas prise en compte dans les pratiques des enseignants. Cette communication abordera les enjeux de l’appropriation de la langue minorée par les élèves et proposera des leviers potentiels pour que leurs enseignants les aide à considérer la langue fréquentée principalement à l’école comme étant, malgré tout, leur langue.
L’intervenant
Gwenole Larvol a été professeur des écoles bilingue breton – français durant quinze ans dans le Finistère. Il est maitre de conférences au département de sciences de l’éducation de l’université de Bretagne occidentale (UBO) et rattaché au laboratoire du CREAD.
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Michel Launey (Université Paris IV) Dimanche 22 octobre 11h15
Langue française et langues de France: quels bilinguismes?
Résumé de sa communication
La présence scolaire des langues de France s’inscrit entre trois pôles : 1) apprentissage à partir d’un niveau supposé zéro (modèle LVE) ; 2) entretien d’un bilinguisme existant ; 3) activités de langage en LCR-L1 (langue première) avec le français en L2 (FLS).
D’autre part, les langues de France présentent avec le français une grande échelle d’altérité, de très faible (langues d’oïl) à très forte (basque, langues amérindiennes, austronésiennes, mahoraises…), sans oublier la « fausse proximité » (par le lexique mais non la grammaire) des créoles français. On peut y ajouter la proximité de certaines LR avec des langues étrangères officielles et standardisées.
La combinaison de ces paramètres ouvre sur des programmes et des objectifs (observation réfléchie conjointe, préservation de la « glottodiversité », développement des capacités métalinguistiques…) qui peuvent contribuer à la formation d’élèves et de citoyens ouverts et épanouis dans leur bilinguisme.
L’intervenant
Michel Launey a été enseignant-chercheur en linguistique à Nancy-II, Paris-VII et à l’IRD de Guyane, où il a également assuré des éléments de formation initiale (IUFM) et continue (DAFOR) des enseignants. Il est l’auteur d’ouvrages et d’articles sur deux langues amérindiennes (nahuatl et palikur), et sur l’enseignement du FLS aux élèves allophones. Son dernier ouvrage, La République et les langues (Raisons d’agir éditions, 2023), est une analyse historique et critique des politiques linguistiques de la France.
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Philippe Martel (Université Paul-Valéry-Montpellier 3) – Dimanche 22 octobre 18 h
Robert Lafont, artisan du travail coopératif entre langues de France
Conférence suivie d’échanges avec la salle : depuis les années pionnières, qu’est-ce qui a changé?
Résumé de la communication
Dès les années 1950, autour et après les batailles pour la loi Deixonne, le jeune Robert Lafont a été au cœur d’un vaste mouvement de lutte pour la reconnaissance des langues régionales et leur place dans l’enseignement public. Cet engagement prenait à la fois la forme d’une lutte politique, avec interpellation des élus et celle d’un mouvement de réflexion et de formation des enseignants. Avec les moyens du temps (échanges de courriers, téléphones, rencontres physiques, construction de stages…) Lafont a su, notamment avec le Breton Armand Keravel, animer un mouvement revendicatif coordonné en suscitant ou en créant des structures militantes par langue (les sections pédagogiques de l’IEO, puis les CREOs) coordonnées au niveau national dans le MLCR – mouvement laïc des Cultures régionales, dont la FLAREP est en quelque sorte l’héritière, comme nous sommes tous redevables à ce travail de pionnier, poursuivi par Lafont jusqu’à son dernier souffle.
L’intervenant
Philippe MARTEL est historien, professeur émérite à l’Université Paul-Valéry-Montpellier 3 – et ancien président de la FELCO -. Il est l’auteur d’un grand nombre d’articles et ouvrages sur la question occitane depuis le Moyen-Âge jusqu’à l’époque contemporaine. Il s’est notamment intéressé au Félibrige, mais aussi à la question de l’école et a publié récemment une Histoire de l’Occitanie qui est un excellent ouvrage de vulgarisation.
Pasquale Ottavi, Université de Corte – Samedi 21 octobre 18h
La généralisation de l’enseignement public du corse, le fruit de 40 ans de luttes.
Résumé de la communication
Votée en 1951, la loi Deixonne concerne les langues historiques de l’Hexagone (occitan, catalan, basque, breton). Elle exclut l’alsacien, le corse et le flamand, alors considérés comme des dialectes de langues étrangères : ce choix fait étonnamment écho au discours de Barère à la Convention. Les langues d’Outre-mer, quant à elles, demeurent ignorées du dispositif. Le texte ne trouvera sa pleine opérationnalité qu’à la suite de la publication du décret d’application en… 1969.
L’enseignement du corse débutera en 1974, dans un contexte tout à fait particulier qui le singularise au sein du vaste ensemble des langues régionales, dénomination de l’époque, des langues de France aujourd’hui. Dès le début des années 70 en effet, la question linguistique se trouve liée à une revendication politique : elle accompagne la popularisation du mot d’ordre de l’autonomie dans le cadre d’une montée en puissance du mouvement revendicatif, nommé riacquistu (réappropriation) dans le domaine linguistique et culturel.
Né dans une situation générale tendue, l’enseignement du corse connaîtra les débuts hésitants de toute initiative pionnière puis, à la suite des circulaires Savary et Luc (1982-83), jouira d’un essor qui en fait aujourd’hui l’offre sans doute la mieux installée comparativement à celles en vigueur dans les autres académies concernées, excepté sans doute le cas basque. En l’espèce, l’une de ses spécificités réside dans l’investissement massif de l’école publique, pour des raisons qu’il conviendra d’exposer.
On s’attachera donc, après un retour diachronique, à dresser un panorama de l’existant actuel, dans les premier et second degrés, en le mettant en relation avec la problématique du statut de l’île, dont les négociations actuellement en cours entre la Collectivité de Corse et l’État laissent augurer une évolution plus ou moins importante au plan politico-juridique. Avec sans doute des avancées concernant la question linguistique et culturelle et donc, subséquemment, l’ouverture de nouvelles perspectives au plan éducatif.
L’intervenant
Pascal Ottavi a d’abord été instituteur de 1976 à 1988. Il fait partie des pionniers du «corse intégré » qui ont inauguré la pratique de l’enseignement bilingue en 1985. Conseiller pédagogique en langue régionale, il devient professeur de corse après l’obtention de son CAPES en 1992, assume également à partir de 1994 la fonction de coordinateur académique auprès de l’inspecteur pédagogique régional de la langue, Jean-Marie Arrighi, puis est nommé formateur en langue et culture corses à l’IUFM de Corse de 1996 à 2005. Il passe une thèse en sciences de l’éducation à l’université de Corse, en 2004 : Le bilinguisme dans l’école de la République ? Le cas de la Corse est directement issu des recherches qu’il a effectuées dans ce cadre. Maître de conférences puis professeur de langue corse, il a également été doyen de la faculté des lettres de l’université de Corse. Co-auteur de manuels pédagogiques, il a consacré une partie de ses publications à la didactique du corse. En tant que sociolinguiste, il a pu diriger des recherches collectives, développer des collaborations extérieures et a personnellement publié de nombreux articles scientifiques. Militant culturel, il est aussi littérateur et poète. A partir de 2016, il a apporté son concours à l’action de la Collectivité en faveur de la langue en exerçant les fonctions de chargé de mission auprès du Conseiller exécutif Xavier Luciani avant de mettre un terme à sa carrière en 2019.