En 1985, la Revue des Langues Romanes a consacré un de ses numéros à un dossier « Montpellier, espace et texte occitans », numéro associant dans son sommaire historiens et historiens de la littérature d’oc. Il n’y avait là somme toute rien d’étonnant : c’est à Montpellier qu’a été fondée en 1869 une Société pour l’Étude des Langues Romanes dont la revue, une fois passé le temps de la guerre franco-prussienne est devenue l’organe. Depuis 1985, des articles ponctuels ont pu permettre à des chercheurs de revenir sur le texte occitan montpelliérain, tandis que la récente édition du Petit Thalamus de Montpellier fournissait l’occasion de renouer l’alliance entre historiens et occitanistes. Le moment est donc peut-être venu de revenir sur le texte occitan à Montpellier, tel qu’il existe depuis pas loin de mille ans, en associant les regards de spécialistes du texte aussi bien médiéval que baroque ou contemporain, sans oublier le regard des linguistes.
Si, comme le montre la tradition manuscrite du Petit Thalamus, à partir de la moitié du xiiie siècle, l’occitan est la langue du gouvernement de la ville, une étude comparée des codices a enfin prouvé que l’écriture pragmatique et écriture littéraire partagent les mêmes modèles normatifs. Le moment semble ainsi propice à une approche différente de la poésie d’oc à Montpellier. Au début du xiiie siècle le cahorsin Uc de Saint Circ, dit aussi Uc Faidit, fit ses études à l’escola de Montpeslier (l’une des premières universités d’Europe pour la Médecine et le Droit), avant de partir en Vénétie où il jouera un rôle fondamental dans la mise à l’écrit de la mémoire d’Occitanie. Mèstre (lat. magister, titre universitaire) Miquèl de la Tor, originaire de Clarmont en Auvergne, écrivit, estant en Monpeslier l’une des premières anthologies de l’œuvre des troubadours : le libro di Michele, comme l’appela l’érudit Giovanni Barbieri au xvie siècle. Le même Miquèl de la Tor est par ailleurs à l’origine del Libre de Pèire Cardenal, dont un nouveau témoin manuscrit du xive vient d’être découvert aux Archives de la Cathédrale de Barcelone. Les deux romans occitans du xiiie siècle, Flamenca et Jaufré, dont les auteurs demeurent anonymes, viennent enfin compléter ce tableau par les liens qui les rattachent désormais à la ville de Montpellier à son apogée économique et culturel à l’époque.
L’époque moderne, à partir du xvie siècle, voit l’occitan perdre son statut de langue normale de l’administration de la cité, à la suite de deux articles de l’Ordonnance de Villers-Cotterêts, même si le français avait déjà acquis des positions très fortes, et même si des lambeaux d’occitan peuvent encore pendant quelques années apparaître çà et là dans les comptes du consulat. La langue d’oc, que dès le xviie siècle certains auteurs appellent désormais « patois », est encore bien sûr la langue universellement pratiquée à l’oral, mais elle n’accède plus que rarement à l’écrit, dans le registre littéraire. Cette survie fournit au linguiste les éléments d’une histoire du parler de Montpellier de siècle en siècle qui a sa place dans le numéro que nous prévoyons. Elle fournit aussi matière à études aux spécialistes de l’histoire littéraire d’oc. En 1985 un article de Marcel Barral avait fait un sort, à côté d’une production montpelliéraine en français étique, à quelques auteurs d’oc : Isaac Despuech dit Le Sage, Jacques Roudil, Nicolas Fizes (xviie siècle) et bien sûr le prieur de Celleneuve, l’abbé Favre, un des auteurs occitans les plus importants, tous siècles confondus. Depuis 1985, ces divers auteurs ont fait l’objet de recherches, de publications, et d’éditions de leurs œuvres ; il est donc naturel que ces recherches trouvent leur place dans un nouveau numéro de la Revue. Mais il faut aussi tenir compte d’autres productions, notamment de ces recueils de chansons de salon restées largement manuscrites qui méritent attention.
Après la Révolution, alors même que le sens commun des temps nouveaux considère la mort du « patois » comme tout aussi inéluctable que souhaitable, c’est pourtant à un essor considérable de l’écrit occitan que l’on assiste, et qui mérite d’être analysé, dans le prolongement de l’article que Philippe Gardy lui avait consacré en 1985. Les œuvres de l’abbé Favre, longtemps manuscrites, comme d’ailleurs celles de Roudil, accèdent alors à l’impression, avec plusieurs rééditions et des tirages confortables. Tandis que naissent des vocations d’écrivains en « langue romane » : le temps du Félibrige est venu, et c’est à lui que se rattachent, avant de s’en éloigner, les fondateurs de la Revue des Langues Romanes, puis les auteurs regroupés dans la Campana de Magalona. Le xxe siècle prolonge cette renaissance, avec des personnalités comme François Dezeuze, ou Pierre Azéma et sa revue Calendau, dont l’audience entre les deux guerres mondiales dépasse le cadre montpelliérain. Et, bien sûr, il y a ce Max Rouquette qui commence sa carrière littéraire dans les années 1930 et l’a poursuivie jusqu’aux débuts du présent siècle : vingt ans après sa mort, des manifestations sont prévues à Montpellier autour de sa personne et de son œuvre, et il est clair que la Revue se doit de prendre sa part à ces hommages. D’autant plus que parmi ses animateurs au cours des dernières décennies, elle a compté des hommes qui étaient à la fois chercheurs en domaine occitan et écrivains d’oc : on ne peut manquer ici de nommer des hommes comme Charles Camproux, Robert Lafont, Jean-Marie Petit ou Philippe Gardy. La littérature d’oc est encore illustrée aujourd’hui à Montpellier par la génération de Jean-Frédéric Brun, sans oublier Roland Pécout, Provençal, hautement nomade, mais dont un des ports d’attache était le Clapàs.
Autant dire que la matière ne manque pas. Il reste à trouver ceux qui sauront s’en emparer et apporter leur contribution à propos de l’un ou l’autre des thèmes évoqués plus haut. Nous savons qu’ils existent. C’est à eux que nous faisons appel, pour renouveler, à quarante ans de distance, l’entreprise de 1985.
Voir l’appel en ligne sur le site de la RLR : https://journals.openedition.org/rlr/5918
Calendrier
— Envoi des propositions (titres et résumé) pour le 31 janvier 2025 ;
— Retour de la Revue pour le 15 mars 2025 ;
— Envoi article définitif pour le 15 mai 2025 ;
— Publication pour le 30 juin 2025.